Châssis – 2 – Suspensions

Les suspensions permettent de garantir un niveau d’adhérence et de confort pour le pilote. Pour y parvenir, elles doivent permettre de conserver autant que possible le pneu au contact de la route. Autrement dit, les suspensions doivent permettre aux masses suspendues de conserver un mouvement aussi rectiligne que possible peu importe l’état de la route, tandis que les masses non suspendues doivent rester au plus proche du revêtement.

Ces termes peuvent parfois porter à confusion, je la faisais en tout cas au départ.

On entend par masses suspendues tous les éléments qui reposent sur les suspensions : sur une moto, toutes les masses sauf celles des roues, freins, et d’une partie des suspensions. Sans surprise donc, les masses non suspendues désignent tous les composants mobiles rattachés à la partie fixe des suspensions : disques de frein, étriers, axes de roue, fourreaux ou tubes de fourche en cas de fourche classique ou inversée, …

Pour mieux comprendre les suspensions il est important de dissocier leurs deux composants majeurs : les ressorts et l’hydraulique.

Ressorts

Le ressort est l’élément le plus évident quand on pense à une suspension. J’ai parfois hésité plusieurs fois à investir dans des ressorts plus performants pour ma fourche sans vraiment trop savoir ce que ça apportait physiquement. On va tenter d’y répondre.

Deux grandeurs sont à prendre en compte pour dimensionner et régler un ressort : la raideur et la précontrainte.

Raideur

Définition

La raideur correspond à la « dureté » du ressort, et s’exprime en unité de poids par unité de distance (ex : kg/mm, ou N/m). Plus concrètement : prenons l’exemple d’un ressort donné avec une raideur de 10kg/mm, pour comprimer ce ressort de 5mm il faudra appliquer 10kg/mm soit un effort de 50kg. Pour 6mm on appliquera 60kg et ainsi de suite.

raideur ressort

On notera au passage que les ressorts fournissent un effort proportionnel à la compression qu’ils subissent et la vitesse d’application n’aura pas d’impact sur la valeur des efforts. Ça peut mettre la puce à l’oreille : c’est sans doute la raison pour laquelle les réglages du ressort se font en statique (même si le comportement en dynamique influera sur le choix du ressort).

Linéaire ou progressif

On distingue deux catégories principales de ressort pour les fourches de moto standards : les ressorts linéaires classiques et les progressifs.

Sur les ressorts classiques, la distance entre les spires reste constante sur toute la longueur, et par conséquent la raideur aussi (cf. l’exemple au-dessus où on ajoute 10kg d’effort pour chaque millimètre de compression).

Sur un ressort progressif, la raideur varie en fonction de la compression. Les premières spires du ressort sont resserrées puis s’écartent progressivement. Lors des compressions importantes les spires les plus proches viendront au contact les unes des autres. On diminue alors artificiellement la longueur du ressort, augmentant ainsi la rigidité de l’ensemble.

Plus en détails

Pour s’en convaincre il suffit de revoir rapidement la formule de la raideur :

k = \dfrac{F}{L_0 - L} = \dfrac{G . d^4}{8 . Na . D^3} 

Avec :

  • K : raideur du ressort en N/mm
  • F : effort appliqué en N
  • L0 : longueur à vide du ressort
  • L : Longueur sous charge
  • G : module de cisaillement (propre au matériau)
  • d : diamètre du fil en mm
  • Na : nombre de spires actives
  • D : diamètre d’enroulement en mm

En amenant les spires au contact à une extrémité on diminue le nombre Na de spires actives, augmentant ainsi la raideur.

ressort progressif

Progressif ou pas ?

La progressivité sonne un peu comme un mantra pour les motards sur route : on conserve du confort à faible vitesse et on gagne en raideur à haute vitesse, évitant ainsi d’arriver en butée au freinage par exemple. (Note : par vitesse on entend ici la vitesse de compression de la suspension, pas la vitesse linéaire de la moto).

Cela peut en revanche poser un souci pour des utilisations typées performance, et surtout à haut niveau. On sait que le ressort va passer d’une valeur de raideur x à une valeur maxi y, la difficulté est de savoir : à quel moment ? Sans données constructeur fiables et prises de mesures il est difficile de le savoir.

Un ressort classique à raideur constante apparait donc comme une solution permettant des réglages plus aisés par la suite : l’effort augmente avec la compression mais la valeur de raideur reste fixe.

La formule de la raideur fait intervenir d’autres grandeurs : le module de cisaillement et les diamètres de fil et d’enroulement. Autrement dit, on pourra faire varier la géométrie et le matériau pour atteindre une raideur donnée en phase de conception.

captain obvious

Pour une raideur donnée les choix de conception peuvent différer : un ressort avec un diamètre de fil (d) élevé mais comprenant de nombreuses spires (Na), pourra avoir la même raideur qu’un ressort avec un fil plus fin et moins de spires, et donc plus léger. Le choix se fera principalement par le portefeuille, un ressort plus léger impliquant l’usage de matériaux plus nobles.

Précontrainte

Définition

La précontrainte désigne l’écart de longueur du ressort à l’état libre, et sa longueur une fois assemblé sur la suspension, à vide. C’est un des réglages les plus fréquemment modifiés sur nos motos de routes, souvent trop molles (parole d’un mec en Suzuki). Le réglage est accessible facilement et disponible sur quasiment toutes les machines, il offre aussi un résultat facilement palpable : la suspension parait plus rigide.

Plus en détails

On a vu plus haut que la raideur du ressort ne dépendait que du ressort lui-même. En reprenant la formule de la raideur, on arrive à la formule de l’effort appliqué (ici de précontrainte) :

F = k . (L_0 - L)

Autrement dit, l’effort de ressort est égal au produit de la raideur et de la hauteur de compression.

En appliquant une précontrainte on vient diminuer la valeur L et donc augmenter la valeur de la force. Dans le cas de la précontrainte cet effort représentera donc la force que le ressort applique sur la jambe de force dans son état de base.

Ainsi, pour commencer à comprimer la suspension, il faudra appliquer un effort au moins aussi élevé que l’effort de précontrainte : la suspension parait plus ferme en statique et à basse vitesse.

precontrainte

C’est donc un abus de langage que de dire qu’on rigidifie la suspension en agissant sur la précontrainte.

Aspect pratique

Alors pourquoi quand j’augmente la précontrainte j’ai un meilleur feeling au guidon ? Parce que la précontrainte peut effectivement avoir une influence positive, mais elle traite les symptômes plutôt que la cause elle-même. C’est un peu piégeur, car avec le temps on assimile souvent le ressenti des suspensions trop précontraintes et dures à une moto maniable et un châssis efficace.

Dans le cas d’un ressort qui ne serait pas assez raide par exemple la précontrainte va augmenter l’effort nécessaire au mouvement et donc participer à rigidifier l’ensemble. Encore une fois : on n’augmente pas la raideur on décale simplement le déclenchement du mouvement.

Dans le cas d’un amortissement (qui sera abordé par la suite) non adapté ou inefficace par exemple, l’hydraulique peut avoir du mal à contenir le mouvement généré par le ressort. Augmenter la précontrainte permet de réduire la course du ressort et donc l’amplitude de mouvement à gérer : on réduit les symptômes mais on bride soi-même les capacités globales du système.

Une précontrainte trop serrée réduit la capacité de la suspension à suivre les irrégularités de la route, et donc à maintenir de la traction (qui reste l’objectif ultime, à l’avant comme à l’arrière). La suspension risque aussi d’offrir un feeling « tout ou rien », car nécessitant un effort important pour commencer la compression malgré une raideur de ressort pas nécessairement assez élevée.

On se retrouve donc avec une solution palliative qui regroupe le pire des deux mondes : une moto raide et inconfortable à basse vitesse, mais qui a toujours autant de chances d’arriver en butée sur des grosses compressions.

Réglage statique

Course statique

Le réglage des suspensions en statique consiste à régler le ressort (l’hydraulique n’intervient pas aux faibles vitesses de compression).

Le premier réglage sur lequel se pencher est la course statique, soit la différence de longueur des suspensions à vide et avec le pilote sur la moto. Les frottements internes vont être un premier piège, car ils amèneront potentiellement à des valeurs différentes à chaque mesure.  RaceTech propose une méthode prenant en compte les frottements internes tout en restant simple, seule condition : avoir un pote pour faire le réglage. On obtiendra un réglage plus fin qui permettra de vérifier l’état des suspensions au passage.

Le réglage se fait en mesurant trois longueurs. Pour l’arrière la mesure en direct sur l’amortisseur peut être délicate, on peut alors prendre comme point de repère le centre de la roue avec un point fixe de la moto ou du cadre. Les longueurs à mesurer sont les suivantes :

  • L1 : La longueur de la suspension à vide (roue décollée du sol et non chargée)
  • L2 : C’est ici que le pote intervient. Le pilote se place sur la moto en position de conduite (prévoir quelque chose sur lequel s’appuyer pour tenir en équilibre), le collègue vient comprimer la suspension de 2 à 3cm puis la laisse remonter naturellement. Sans frottements, la suspension devrait remonter à son état initial. Dans les faits elle reste un peu plus basse que son point de départ : c’est la longueur L2.
  • L3 : Même principe que pour L2 sauf qu’ici on vient, à l’inverse, étendre la suspension de 2 à 3cm en soulevant l’avant ou l’arrière de la moto, puis on laisse redescendre naturellement.

Les mesures L2 et L3 permettent d’avoir une indication du niveau global de friction statique au sein du système. Par expérience, RaceTech observe un écart de 10 à 20mm à l’avant et 2 à 6mm à l’arrière entre les deux mesures. Au-delà, il est possible que la suspension ait un souci : tube de fourche tordu, usure, désalignement, …

Pour obtenir la course statique on va simplement soustraire la moyenne des mesures à la longueur à vide :

Course \ statique = L_1 - \dfrac{L_2 + L_3}{2}

On considérera qu’une valeur de course statique valant 1/3 de la course totale est une bonne base de départ.

Pour les plus pointilleux on pourra pousser le vice et affiner les réglages avec un réservoir à moitié vide et la roue arrière placée au centre de sa course de réglage, pour moyenner les effets de poids et de bras de levier.

Si la valeur de course statique est trop grande (la moto se tasse trop), on pourra resserrer la précontrainte et inversement la desserrer si la course est trop faible. Si la course n’est toujours pas bonne alors qu’on arrive à un réglage extrême de précontrainte, il faudra alors penser à changer le ressort en fonction.

Course morte

La course morte correspond à l’enfoncement des suspensions sous le poids de la moto seule, sans pilote. Elle se réalise après le réglage de la course statique et permet de donner une bonne indication sur le choix de la raideur des ressorts. Par exemple, si on règle correctement la course statique et qu’on se retrouve avec une course morte trop faible, on peut en déduire que la précontrainte est trop élevée. La solution serait alors d’installer un ressort plus raide avec moins de précontrainte.

Base de réglage

Pour les suspensions « aftermarket », les valeurs de course statique et de course morte à viser sont normalement fournies avec la pièce. Pour des réglages plus standards on trouve différentes valeurs et avis, en croisant les infos on peut se faire une moyenne qui devrait permettre d’obtenir un bon réglage de base :

MesureSuspensionValeur [mm]
Course statiqueAV25 à 35
AR25 à 35
Course morteAV20 à 30
AR10 à 15

Pour un usage piste on aura tendance à viser la fourchette basse de ces valeurs.

Amortissement

Si nos suspensions n’étaient constituées que d’un simple ressort, les phénomènes oscillatoires seraient trop importants et la moindre bosse ferait rebondir la moto pendant quelques secondes.

pogo stick

Principe de fonctionnement

On parle souvent d’amortisseur pour désigner les suspensions. En réalité l’amortissement est une des fonctions internes de la suspension : elle va absorber l’énergie oscillatoire du système grâce à un circuit hydraulique. Dans ce chapitre, on ne rentrera pas dans le détail technique de toutes les solutions existantes mais on définira le fonctionnement global et les effets des modifications.

Contrairement au ressort qui va restituer l’énergie accumulée, l’hydraulique va absorber l’énergie cinétique et la rediffuser sous forme de chaleur. Surtout, quand la résistance du ressort sera uniquement définie par sa déformation mécanique, la résistance de l’amortissement hydraulique sera fonction de la vitesse d’enfoncement des suspensions : on parle d’amortissement hydrodynamique.

Plus en détails

Cet amortissement est proportionnel au carré de la vitesse du fluide, ici, de l’huile. L’huile est considérée comme incompressible (en tout cas dans nos conditions d’utilisation). Ainsi lorsqu’elle est comprimée la pression sera répartie uniformément sur toute la surface de contact. Pour obtenir un amortissement on va forcer le passage du fluide à travers un ou plusieurs orifices.

amortissement hydraulique

C’est cette technologie qui est utilisée sur la plupart des fourches standards (bon ok, c’est un peu plus évolué que sur le schéma mais dans l’idée c’est ça). L’amortissement en compression et détente est alors régi par l’écoulement du fluide hydraulique. Plus l’écoulement sera difficile plus dur sera l’amortissement. On a deux moyens d’influer sur l’écoulement :

  • La taille du ou des orifices de passage de l’huile
  • La viscosité de l’huile (plus l’huile est visqueuse plus elle résistera à l’écoulement)

Gestion du système

Avec la technologie des orifices seuls, on obtient l’amortissement le plus progressif qui soit avec une évolution parabolique en fonction de la vitesse. Cela présente cependant quelques lacunes quand on s’attaque à des réglages orientés performance.

La relation entre amortissement et vitesse permet d’obtenir un comportement assez confortable à basse vitesse mais qui devient vite beaucoup plus rigide en augmentant la vitesse. On risque du coup d’observer deux phénomènes : une perte de traction à haute vitesse de compression (route très bosselée par exemple) et une suspension qui arrive facilement en butée lors des phases d’accélération ou freinage intenses, où la vitesse d’amortissement est plus lente.

Ainsi, comme pour les ressorts, il semblerait que la progressivité de l’amortissement ne soit pas la clé de voute de tous les réglages.

Sur des suspensions plus modernes, des systèmes plus évolués permettent de gérer le réglage selon la plage d’utilisation en utilisant des clapets dans le circuit d’huile. Le schéma suivant illustre le principe sur un clapet utilisant un empilage de cales, faisant office de ressort à lame pour gérant l’ouverture du clapet.

schema clapet

Les clapets sont dimensionnés pour s’ouvrir à moyenne et/ou haute vitesse, offrant deux avantages : on conserve une section de passage suffisamment réduite à faible vitesse pour ne pas avoir une suspension trop spongieuse, et on augmente cette même section à haute vitesse pour assouplir l’ensemble.

Plus en détails

On peut représenter l’effort hydraulique en fonction de la vitesse pour comparer le fonctionnement avec et sans clapets. On observe facilement qu’à des vitesses modérées la réponse de l’hydraulique est plus ferme avec des clapets, ce qui peut se traduire en un meilleur contrôle du transfert de charge sur l’avant au freinage, par exemple. En accélérant encore la compression, on se rapproche d’un fonctionnement linéaire et donc plus homogène.

comportement hydraulique

Gérer le comportement hydraulique

On a vu que la force d’amortissement changeait de comportement en ajoutant un clapet, mais comment dimensionner le clapet selon le besoin ? Trois grandeurs permettent d’ajuster le réglage : la raideur, la précontrainte du ressort d’ouverture du clapet, et la section de passage de l’huile.

impact section
impact raideur
impact precontrainte

Sur une grande partie des fourches on pourra trouver deux clapets : un qui définira le comportement en compression, le second le comportement en détente. Cependant, en dehors d’une préparation poussée des suspensions il est rare de changer directement le clapet ou son ressort. Deux ajustements sont souvent disponibles cependant : les vis de réglage de la compression et détente.

La détente

La détente (ou rebond) va définir le comportement de la suspension lorsque le ressort cherche à retrouver sa position initiale après une compression. Plus le réglage de détente sera ouvert (vis de réglage dévissée), moins l’effort du ressort sera amorti, et la suspension aura tendance à revenir en position plus rapidement.

Des réglages trop extrêmes seront néfastes pour la traction. Un réglage trop souple ne permettra pas à l’amortisseur de compenser suffisamment le retour du ressort. Après une bosse, celui-ci cherchera à retransmettre toute l’énergie accumulée et un retour en position trop rapide peut créer des oscillations voire un décollement du pneu.

Un réglage trop fermé entrainera lui aussi une perte de traction. En se comprimant sur une bosse, l’énergie accumulée par le ressort ne pourra cette fois pas être relâchée, le retour en position est bridé et le pneu n’a pas le temps de revenir au contact de la route après une bosse, ou en passant dans un creux. Dans le cas d’un long passage bosselé ce phénomène s’amplifie : en voyant plusieurs irrégularités d’affilée la suspension aura tendance à se tasser car n’ayant pas le temps de revenir à sa position initiale entre chaque compression. La course utile devient plus faible et on crée une précontrainte supplémentaire qui rigidifie l’ensemble, s’ensuit une perte de traction généralisée.

Le rebond est un réglage assez difficile à dompter pour nous autres amateurs, car la plupart du temps on cherche à supprimer des mouvements considérés comme parasite alors qu’ils ne le sont pas nécessairement. Admettre la théorie qui entend qu’une moto bien réglée doit renvoyer certains mouvements et bouger un peu est une chose, s’habituer à ce ressenti une fois au guidon en est une autre.

La compression

La compression, c’est comme la détente mais dans l’autre sens non ? Sur le principe oui, à un détail près : la détente est moins complexe dans le sens où elle n’intervient « que » pour absorber l’effort de retour du ressort. L’hydraulique en compression lui, va devoir faire face à un large éventail de vitesses causées par des irrégularités de taille et forme différentes et par l’utilisation même faite de la moto.

Par exemple, en virage plein angle la suspension peut arriver en butée malgré un réglage fermé. La faute à la vitesse de compression lente causée par la force centrifuge en virage. Dans ce cas particulier le travail de réglage devra plutôt se faire sur les ressorts.

Les risques d’une compression trop ouverte ou fermée sont sensiblement les mêmes que pour la détente mais avec des effets opposés. Par exemple, un enchaînement d’irrégularités avec une compression trop fermée poussera à la suspension à trop se détendre. La finalité reste une perte d’efficacité en traction.

Un réglage de compression plus serré permet de mieux gérer les transferts de charge et peut éviter d’arriver en butée. Attention toutefois, un réglage trop fermé empêchera d’utiliser toute la course utile de la suspension : en bridant le système on reste trop loin de la butée sur les phases de transfert de charge.

Il s’agit donc de trouver le bon compromis et ce n’est pas forcément chose facile : c’est pas pour rien que les teams se creusent la tête pendant tout un week-end avant une course !

Synthèse

Vous aurez noté que les réglages hydrauliques sont assez pointus, surtout pour des motards lambda comme vous et moi (ou que moi, peut-être), qui n’arrivent pas aux limites de traction de la moto avec des réglages de base.

On a vite fait de partir sur une mauvaise base de réglage à cause de ressentis erronés. Par exemple : baser ses réglages sur un circuit ou une route trop lisse. Dans ce cas, durcir le réglage hydraulique permettra de limiter les mouvements parasite et de mieux gérer les transferts de charge, mais le réglage ne sera pas optimal. Pire même, il peut pousser à s’habituer à des réglages beaucoup trop durs, laissant penser que c’est ce dont on a effectivement besoin pour être performant partout.

Plus généralement pour déterminer le meilleur réglage il faut trouver le compromis entre ressenti et performance. Pour y arriver seul cela requiert un sacré niveau de pilotage et des connaissances fines sur le réglage des suspensions. Pour le commun des mortels, un préparateur sera d’une grande aide à ce niveau.

Il faut aussi resituer le contexte. Pour quelqu’un qui veut juste améliorer son chrono sans pour autant viser les sommets, adopter un réglage qu’on sait non-optimal n’est pas un drame en soi. Après tout, l’important reste de prendre du plaisir au guidon et un bon feeling peut donner la confiance nécessaire pour aller chercher quelques dixièmes.

Diagnostics et pistes de réglage

Ci-dessous quelques pistes de réglage pour tenter d’améliorer le comportement de sa moto, que ce soit sur route ou sur circuit. Avant de vous lancer là-dedans pensez bien à noter vos réglages de départ ou à repartir de ceux d’origine, puis d’avancer étape par étape, un réglage à la fois.

Le ressenti sera le seul moyen de parvenir à un bon réglage des suspensions en dynamique. Pour valider un choix, il peut être intéressant de le tester et de revenir au réglage de base le temps de quelques tours, pour valider l’apport.

Trop raide sur les bosses et au freinage

  • Diminuer le réglage de compression
  • Diminuer la raideur du ressort

Trop mou, arrive en butée

  • Augmenter le réglage de compression
  • Augmenter la raideur du ressort

Guidonnages

  • Ouvrir le réglage hydraulique (compression et détente)
  • Réduire la raideur du ressort
  • Réduire le niveau d’huile (si guidonnages au freinage)
  • Vérifier des écarts géométriques (châssis, jante ou fourche tordus, désalignement des roues)
  • Vérifier des déséquilibres aérodynamiques

Louvoiements

  • Changer l’assiette de la moto (baisser l’avant et/ou relever l’arrière)
  • Vérifier existence de déséquilibres aérodynamiques

Pertes d’adhérence

  • Travailler le réglage de compression (en commençant par ouvrir)
  • Travailler le réglage de détente (en commençant par ouvrir)
  • Adapter la répartition des masses

Sensation de flou

  • Augmenter le réglage de rebond
  • Augmenter le réglage de compression
  • Augmenter la raideur du ressort
  • Vérifier l’état de l’huile de fourche
  • Vérifier l’état des roulements

Roue qui sautille (chattering)

  • Travailler le réglage de compression (en commençant par ouvrir)
  • Travailler le réglage de détente (en commençant par ouvrir)
  • Changer le ressort par plus ou moins raide (en commençant par plus raide)

Usure excessive du pneu

  • Suspension trop raide
  • Mauvaise pression du pneu
  • Chattering

La moto se redresse en freinant sur l’angle

  • Augmenter le réglage de compression
  • Augmenter la raideur du ressort
  • Augmenter la précontrainte

Déséquilibres ou mouvements parasites en entrée de virage

  • Resserrer le réglage de détente avant et/ou arrière

La moto s’élargit en sortie de virage

  • Changer l’assiette de la moto (baisser l’avant et/ou relever l’arrière)
  • Augmenter le réglage de compression à l’arrière

Géométries de trains avant

Maintenant qu’on a abordé le fonctionnement et les réglages des suspensions, faisons un tour des différentes géométries qui ont été le plus largement utilisées. On se focalisera sur les trains avant car c’est là qu’on observe les différences les plus flagrantes. Les trains arrières méritent aussi d’être étudiés et le seront, plus rapidement, à l’occasion d’un prochain article.

Malgré l’image de liberté que renvoie la moto, le milieu reste finalement assez conservateur quand il s’agit de solutions techniques. C’est en tout cas valable pour la grande majorité des constructeurs. La technologie a très largement évolué au fil des années mais nos motos ne sont au final pas si éloignées de leurs ancêtres d’il y a un siècle.

Pourtant, il doit exister autant de solutions que de personnes qui se sont penchés sur le sujet. L’occasion de faire un petit tour des solutions les plus répandues.

On entend souvent parler de trains avant conventionnels et non-conventionnels. Étant donné le marché actuel on pourrait être tentés de définir ces groupes en : « fourches télescopiques » et « reste du monde ». Plus globalement, on peut séparer les suspensions avant en deux grandes familles : les solutions qui nécessitent l’utilisation d’une colonne de direction pour l’assemblage et la définition d’un axe de direction, et celles qui définissent leur axe de manière différente.

Les fourches télescopiques

Le fonctionnement global des fourches télescopiques est plutôt facile à appréhender. Les fonctions de direction et de suspension sont fusionnées en un seul ensemble qui fonctionne à la manière d’un piston hydraulique comme nous avons vu précédemment.

Elles présentent pourtant plusieurs défauts de taille. Les principaux concernent les déformations, la flexion latérale d’abord : sous l’effet des contraintes, le point de contact du pneu avec la route peut se désaligner de l’axe de direction provoquant des mouvements parasites et une perte de traction.

Même chose pour les déformations longitudinales (dans l’axe de la moto), au freinage notamment où le grand bras de levier créé par les fourreaux provoque des efforts considérables sur la colonne de direction (comme abordé dans la partie 1 de ce dossier), nécessitant un dimensionnement conséquent de cette partie du cadre.

A noter que les fourches inversées offrent une réponse intéressante (même si pas optimale) aux soucis de flexibilité, tout en réduisant les masses non suspendues.

A ceci viennent aussi s’ajouter un transfert de charge important au freinage, un angle de colonne qui crée des frottements interne et une perte de rendement, … Alors c’est vrai, les fabricants de fourche ont poussé la technologie dans ses retranchements et les performances atteintes sont impressionnantes, avec aujourd’hui l’intégration complète de matériaux composite et de l’électronique.

train avant motogp

Mais si les fourches télescopiques présentent autant de défaut, pourquoi sont-elles toujours utilisées ? On peut y voir un aspect purement marketing, car comparativement à d’autres technologies, les fourches télescopiques offrent un visuel assez épuré. D’autre part, le fait d’avoir une technologie standard crée une sorte de cercle vicieux chez les constructeurs comme chez les consommateurs.

Les premiers, utilisant la technologie depuis des années, ont acquis une expérience considérable et l’intégreront à une conception plus facilement. L’aspect financier intervient aussi bien-sûr, les coûts de développement et de fiabilisation d’une nouvelle technologie étant importants. Le phénomène est encore amplifié en compétition où on cherche la performance le plus vite possible pour garantir son image de marque.

Côté consommateur, l’œil et le cerveau sont tellement habitués qu’une solution différente peut sembler farfelue ou inesthétique.

Fourches à balancier

Cette technologie consiste en un bras rigide qui descend de la colonne de direction jusqu’à des biellettes en partie basse en formant un pivot. Ces biellettes peuvent être séparées ou solidaires via un « U » qui passe derrière la roue. La suspension se repique de part et d’autre sur les bras et les biellettes.

Cette solution par rapport à la fourche télescopique présente un gros avantage : elle limite presque entièrement les frottements internes car la suspension travaille uniquement dans son axe.

fourche balancier 2

Les fourches à balancier ont été utilisées très tôt, BMW par exemple les a introduites sur de nombreux modèles dans les années 1940 à 1960. Elles ont également été très utilisées en cross.

Dans les années 1970 les fourches télescopiques (encore elles) ont connu des évolutions technologiques qui ont fait passer les fourches à balancier pour une solution vieillotte et peu esthétique. C’est semble-t-il la raison majeure pour laquelle on n’en retrouve quasiment pas aujourd’hui sur nos motos, car peu de pilotes ont semblé leur trouver des défauts.

Fourches à parallélogramme (ou Girder)

Alors là on remonte loin dans larbre généalogique. Les fourches Girder ont été les premières suspensions montées sur des motos, depuis l’arrivée de la Druid Mark II en 1913.

druid mark ii

Elles ont été aussi largement utilisées à leur époque que les télescopiques le sont aujourd’hui. Elles étaient initialement conçues avec un amortisseur à friction. Pour comprendre le principe on peut se représenter un embrayage, avec plusieurs disques métalliques en contact les uns avec les autres qu’on viendrait serrer ensemble pour amortir les oscillations par friction. Le comportement de ce genre d’amortissement est réputé être beaucoup plus brutal que l’hydraulique.

On trouve encore des fourches à parallélogramme sur certains choppers aujourd’hui, plus dans un but de personnalisation que de performance. La raison est double : la nature de la suspension implique des masses suspendues élevées et une tendance à la flexion, nécessitant un dimensionnement et donc une masse conséquente. Par ailleurs, la configuration globale n’autorise pas le montage de ressorts suffisamment longs pour garantir une capacité d’absorption suffisante.

Suspensions « non conventionnelles »

Les trains avant utilisant des géométries un peu plus exotiques ne sont peut-être pas monnaie courante, mais tout le monde en a pourtant déjà vu. Petit tour d’horizon de quelques-uns des plus connus.

Telelever

BMW est le seul constructeur généraliste à proposer des solutions innovantes sur sa gamme en termes de suspensions avant, dont une que j’ai eu l’occasion d’essayer (voir le voyage à dos de baleine) : le Telelever.

La technologie pourrait s’apparenter de loin à du Mac-Pherson, très largement utilisé en automobile aujourd’hui, avec un guidage par triangle de suspension. Le système conserve deux fourreaux, qui permettent de conserver un look classique mais qui ne servent en réalité qu’au guidage et au maintien de la roue.

bmw telelever

La cinématique se retrouve modifiée par rapport à un système classique : là où le déport et l’angle de chasse réduisent au freinage sur des télescopiques, ils augmentent avec ce système. L’empattement aura là aussi tendance à réduire, mais beaucoup plus progressivement. Conséquence : on se retrouve avec une moto très stable au freinage et qui ne plonge pas de l’avant.

Même pour un non initié, la différence se fait vite ressentir. Le poids de l’ensemble en revanche le réserve principalement à une utilisation tourisme.

Autres technologies

Plusieurs autres technologies existent mais n’ont pas été aussi largement diffusées. Évidemment, Bimota est un constructeur incontournable quand on évoque des architectures moins conventionnelles, mais est moins duffisé sur le marché qu’un BMW (on a dit qu’on parlerait des plus technologies les plus utilisées).

En vrac, on peut penser aux différentes études de Claude Fior (reprises par BMW sur sa technologie Duolever notamment), Norman Hossack, Jean-Bertrand Bruneau, André de Cortanze, et Eric Offendstat avec le projet Geco et son châssis homocinétique. L’éventail de solutions et d’itérations et très vaste et promet des heures de recherche et de creusement de tête à qui s’y intéresse.

L’état de l’art actuel offre une technologie et des performances impressionnantes, accélérés avec la démocratisation de l’électronique à quasiment tous les domaines de la moto. La voie semble en revanche vaste pour ce qui est des pistes d’amélioration. La suspension et la cinématique d’une moto sont des sujets très complexes, qui laissent peu de place à l’improvisation et demandent des moyens importants pour trouver des réponses adaptées.

Nous sommes dans une période où un standard a pris le pas par-dessus tout le reste sans démontrer de vraie supériorité technologique ou pratique, mais peut-être que des études finiront par démontrer aux constructeurs et au grand public qu’une autre voie, peut-être plus efficiente, est envisageable.

zx10 hossack

Références

  • FOALE, Tony. Motorcycle handling and chassis design – the art and science
  • THEDE, Paul – PARKS, Lee. Race Tech’s motorcycle suspension bible. Motorbooks

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